Enquêtes locales :

L’école inclusive :

Certains d’entre nous ont été sollicités à de nombreuses reprises sur la prise en charge des enfants en situation de handicap dans les écoles du département. Le conseil d’administration de l’Union départementale des Pyrénées-Orientales, a décidé d’étudier la situation de ces enfants et a confié cette mission à l’une de ses administratrices.

I/ LES ACTIONS MISES EN OEUVRE
Si le droit à l’éducation constitue un droit absolu, sans limites, il exige justement que nous soyons capables de réfléchir à celles de l’inclusion sachant que « les effectifs d’élèves en situation de handicap sont passés de 118 000 à 340 000, le nombre d’élèves accompagnés est passé de 26 000 en 2005 à 166 000 à la rentrée 2018 ».

A/ L’université d’été (mois d’août 2019)
Dans le cadre de sa traditionnelle université d’été, le conseil d’administration a choisi de proposer une table ronde« Handicap et école inclusive » à laquelle ont participé des DDEN mais aussi des partenaires extérieurs de l’école inclusive.
Cet atelier fort suivi a fait naître, à la suite de la parution de la circulaire ministérielle de rentrée 2019 « Ecole inclusive », de nombreuses questions: la mise en place d’un ou des PIAL (pôle inclusif d’accompagnement localisé) : où ? Sur quels critères est choisi le lieu d’implantation ? Avec quelles écoles ? Comment fonctionnera-t-il ? La mise en place de PIAL n’engendrerait-elle pas une réduction des moyens donnés à l’aide individualisé au profit d’une aide mutualisée ? Le recrutement des AESH ( Accompagnants des élèves en situation de handicap) : qui est le pilote ? Y-a-t-il une commission d’entretien et qui la compose ? Un plan de formation est envisagé, selon la circulaire de rentrée, qui est concerné? Des AESH volontaires ? Obligation ? Des enseignants ? En cas de problèmes avec un ou une AESH, qui est responsable de la prise en charge du problème ?

B/ La rencontre avec le directeur académique des services de l’éducation Nationale (DASEN)
Une rencontre entre le DASEN et ses collaborateurs impliqués dans la mise en place et le suivi de l’école inclusive et une délégation restreinte des membres du conseil d’administration dont la présidente, a lieu le 16 octobre 2019.
Une douzaine de DDEN volontaires ont participé ensuite à une formation le 21 novembre 2019.

C/ Une enquête réalisée par les DDEN dans les écoles du département.
Le conseil d’administration, lors de sa séance du 6 janvier 2020, a voté à l’unanimité, le lancement d’une enquête concernant la réalité du terrain sur le handicap à l’école, les difficultés rencontrées tant par l’élève en situation de handicap que celles des autres élèves de la classe, et le ressenti des enseignants.
L’enquête n’a pu être menée à son terme, la pandémie due au coronavirus a stoppé en partie la remontée des questionnaires.

II/ LE BILAN

A/ Quelques chiffres

Le retour de l’enquête porte sur 136 classes représentant 13 écoles maternelles, 11 écoles élémentaires et 3 écoles primaires. Ont été signalés 118 élèves en situation de handicap accompagnés d’un(e) AESH et 22 élèves sans AESH.
Parmi les 118 AESH :
48 sont AESH mutualisé(e)s (39 en élémentaire, 6 en maternelle, 3 en primaire)
65 sont AESH individuel(le)s (34 en élémentaire, 28 en maternelle, 3 en primaire)
Le nombre d’heures attribuées aux 118 AESH sont de 1045 h en élémentaire, 712 en maternelle, 102 en primaire, soit un total de 1859 heures.

B/ Les difficultés rencontrées

Une seule école a signalé ne rencontrer aucune difficulté.
Pour les 135 autres classes, les difficultés sont multiples. Elles concernent l’élève en situation de handicap, les autres élèves de la classe, l’enseignant(e). Nous n’avons pas de données concernant les AESH (l’activité des AESH n’est pas dans le champ de responsabilité des DDEN).

– Concernant les écoles maternelles
1) Au niveau de l’élève :
La difficulté majeure qui est signalée de nombreuses fois est l’adaptation de l’élève à l’école qui n’arrive pas à répondre à ses besoins. L’enfant en situation de handicap ne dispose pas toujours du soutien dont il a besoin, soit par manque d’heures de présence d’AESH, soit parce qu’il rencontre des difficultés pour comprendre les consignes, ou des difficultés par manque d’attention (l’enfant reste peu sur une activité), ou d’ordre langagier (ne parle pas) ou d’ordre émotionnel (manifeste sa joie ou sa frustration par des cris, de la violence). Difficulté aggravée lorsque l’AESH est absente.
2) Au niveau des autres élèves :
Rares sont les réponses signalant que c’est une richesse pour les élèves en matière de connaissance d’autres enfants, en matière de tolérance. Pour un bon nombre, on déplore que les bruits, les cris, les gestes imprévisibles allant jusqu’à la violence de l’élève en situation de handicap, perturbent et créent une agitation dans la classe, voire un sentiment de peur qui se traduit par un rejet de l’enfant en situation de handicap. À cela s’ajoutent plaintes de certains parents auprès de l’enseignant(e).
3) Pour l’enseignant(e) concerné(e) :
Un constat quasi unanime : le manque de formation des enseignant(e)s, la méconnaissance du handicap et la nécessité absolue de la présence de l’AESH pour les élèves en situation de handicap les plus en difficulté certes mais le regret de voir que certains élèves auraient besoin d’être aidés mais n’ont pas d’AESH, ce qui entraîne la monopolisation de l’enseignant(e) au détriment des autres élèves. Le manque de temps est évoqué plusieurs fois ne serait- ce que pour rencontrer les « spécialistes » quand l’élève en situation de handicap a la chance d’être suivi. Mais aussi manque de disponibilité pour ces enfants aux besoins très particuliers
La présence de plusieurs élèves en situation de handicap dans une même classe est difficile à gérer et ce d’autant plus que les effectifs de la classe sont lourds. Sont aussi difficile à gérer les gestes violents de l’élève à l’égard des autres. Nombreux sont les enseignants qui parlent de fatigue jusqu’à « craquer » (le droit de retrait est évoqué).
On évoque aussi le manque de formation des AESH, on parle aussi « d’incompétence » voire de« dangerosité ».
Un point positif : le fait de connaître la famille de l’élève en situation de handicap est très apprécié.

– Concernant les écoles élémentaires
1) Au niveau de l’élève :
De nombreuses réponses mettent en avant les troubles de comportement, le manque de concentration, de compréhension des élèves en situation de handicap. On souligne aussi leur grande fatigabilité.
2) Au niveau des autres élèves de la classe :
Les réponses sont quasi les mêmes : Les troubles de comportement de l’élève entraînent une perturbation des apprentissages au sein de la classe difficile à gérer parfois. Davantage lorsqu’il s’agit de problèmes de violences On note un manque de concentration, d’attention de la part de la classe.

3) Pour l’enseignant(e) concerné(e) :
Une seule réponse signale aucune difficulté et un « climat positif .Pour la grande majorité les difficultés sont multiples et se répètent au fil des réponses:
– Problèmes d’emploi du temps face aux contraintes (la mutualisation des AESH entraîne leur présence auprès des élèves sur des temps jugés inopportuns) ;
– Plusieurs élèves en situation de handicap dans une même classe ;
– Plusieurs adultes dans la classe créent de la confusion ;
– Pas de formation spécifique, difficulté de gestion de la classe pendant les crises de l’élève.
– Un surcroit de travail et une grande pénibilité ;
-Difficulté liée au fait que l’enseignant(e) doit évaluer l’AESH et lui présenter le rapport ;
-Absence de consultation préalable de l’équipe sur les affectations et encore moins sur les changements d’affectation d’une année sur l’autre ;
– Manque de motivation parfois de la part de l’AESH probablement lié, dit-on, au salaire.

En conclusion
Tout d’abord la présidente et les membres du conseil d’administration tiennent à remercier les enseignant(e)s qui ont bien voulu répondre à cette enquête et nous livrer en toute sincérité leurs craintes, leurs difficultés. Certes l’échantillon des réponses est réduit (28) mais cette enquête a au moins le mérite d’exister et de traduire les difficultés rencontrées par les apprenants et leurs enseignant(e)s.
Il est évident qu’élèves et enseignant(e)s se retrouvent parfois dans des situations complexes, voire éprouvantes, difficiles à vivre pour les uns, à gérer pour les autres sans mesurer avec certitude les bienfaits. Une formation des enseignants au handicap semble être une évidence, tout comme la présence obligatoire d’AESH pour tous les élèves en situation reconnue de handicap, et l’affectation des AESH en liaison avec les enseignant(e)s aussi.